« Je vais compter jusqu’à 10.
À 10, prêt(e) pas prêt(e), j’y vais! »
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Lorsqu’on entend addiction ou dépendance, on pense surtout aux substances : alcool, drogue, médicaments, tabac…
Et je parie que vous venez d’avoir une pensée du type : « Non, il y a aussi la dépendance affective ».
Et maintenant qu’on y pense ensemble, la liste peut être longue : gambling, sexe, nourriture, Internet…
Il y en a pour tous les goûts et toutes les époques.
Bien que l’on parle de plus en plus de ce phénomène, avez-vous remarqué que nous avons tendance à nous attarder essentiellement à la description des symptômes (les signes observables d’un trouble ou d’une maladie) associés aux différentes formes d’addiction?
Par exemple…
Cyberdépendance : Usage problématique d’Internet et des nouvelles technologies. Utilisation persistante et récurrente des technologies ou des moyens de communications offerts par Internet qui engendre des difficultés chez l’individu. Amène un sentiment de détresse et des problèmes au niveau psychologique, social ou professionnel[1].
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Et si l’addiction était elle-même la manifestation de quelque chose d’autre?
Ce quelque chose d’autre jouerait alors à la cachette avec nous…
Nous y viendrons, mais prenons d’abord un petit instant pour définir ce qu’on entend par addiction.
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À l’heure actuelle, nous savons qu’environ 10 à 15% de la population générale a vécu ou vivra de l’addiction : docteur(e)s, enseignant(e)s, gestionnaires, bibliothécaires. Peu importe le milieu et l’occupation.
On peut définir l’addiction[2] comme « un état de dépendance périodique ou chronique à des substances ou à des comportements ». Par dépendance, on entend la survenue de symptômes de sevrage lorsque l’élément à la source de l’addiction est absent, mais également le développement d’une tolérance à cet élément, c’est-à-dire que la dose nécessaire pour atteindre la satisfaction augmente de plus en plus.
La 5ième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V), quant à elle, réserve un chapitre entier aux troubles reliés à une substance et troubles addictifs, lequel inclut le jeu pathologique et différentes substances comme l’alcool, le cannabis, les stimulants, les anxiolytiques, le tabac…
Mais, ne nous éloignons pas trop et poursuivons notre exploration de l’addiction.
On finira plus rapidement de jouer à la cachette.
Alors comment ça fonctionne, l’addiction?
Nous avons dans notre cerveau ce qu’on appelle le circuit de la récompense. Laissons de côté les bases neurobiologiques de ce système et contentons-nous de mentionner qu’il a un rôle fondamental dans notre apprentissage et notre motivation à accomplir des choses.
Pour survivre, l’espèce humaine doit se nourrir, se reproduire, interagir socialement, etc. C’est un peu comme si le circuit de la récompense avait trouvé LA stratégie pour nous convaincre d’accomplir toutes ces choses ; il nous shoot de la dopamine[3] pour nous faire ressentir du plaisir.
Il est malin le circuit.
Donc, naturellement, nous ressentons du plaisir à faire des choses simples comme prendre une marche en forêt, goûter un repas débordant de saveurs et se faire caresser par notre bien-aimé(e). Et ce plaisir ressenti est une récompense qui nous pousse à recommencer.
Le truc, toutefois, c’est que l’homme a découvert comment ressentir artificiellement ce plaisir avec différentes substances addictives comme la drogue.
Nous posons également l’hypothèse que certaines personnes puissent être biologiquement vulnérables à l’addiction. Il est toutefois encore difficile, à ce jour, de déterminer la part des composantes environnementales et génétiques[4].
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Que la source du plaisir soit naturelle ou artificielle, il est fondamentalement humain de vouloir le ressentir. Le hic c’est que l’une des deux sources est dangereuse pour la santé.
Je vous laisse deviner laquelle.
Le deuxième hic c’est que même si le plaisir est naturel, comme manger du sucre, c’est son intensité et sa fréquence qui peuvent devenir dangereuses pour la santé (p.ex., hyperglycémie, prise de poids pouvant affecter l’estime de soi, etc.).
Un exemple touchant la sexualité pourrait être la masturbation compulsive. Le fait de se masturber plusieurs fois par jour peut entre autres entraîner une perte de temps et d’énergie, ainsi qu’une altération du fonctionnement social (davantage d’isolement).
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Outre ces considérations, il est important de se questionner sur la fonction de notre addiction. Parce que plus souvent qu’autrement, elle est là pour engourdir quelque chose.
Elle n’est donc pas seulement un regroupement de symptômes.
Elle est la manifestation d’un petit-être perturbateur qui joue à la cachette avec nous.
Nous pouvons penser au fameux « je mange mes émotions ».
À la recherche de sensations fortes pour combler un vide intérieur.
À une suractivation pour étouffer le plus possible des affects dépressifs qui nous guettent.
Au fait de prendre un stimulant pour être plus confiant lors d’une présentation orale.
« Je bois pour oublier ma rupture amoureuse ».
« Je navigue plusieurs heures par jour sur Internet pour ne pas ressentir ma solitude ».
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Lorsqu’on creuse un peu, on se rend compte qu’il y a souvent des symptômes anxiodépressifs (anxiété, tristesse, insomnie, dévalorisation de soi, etc.) à la source d’un comportement d’addiction à l’alcool et la marijuana[5]. Comme l’un des exemples mentionnés ci-dessus, on peut alors avoir tendance à se suractiver (p.ex. en travaillant beaucoup) pour tenter d’effacer la tristesse qui nous habite et paraît se réveiller lors des moments de solitude.
Quelles sont réellement ces émotions qu’on met sous le tapis? Qu’est-ce qu’elles essaient de nous dire, voire de nous hurler, parce que nous ne les écoutons pas?
Si on leur porte une oreille plus attentive, viendront-elles nous raconter que nous évitons d’entamer des études parce que nous craignons l’échec? Pourraient-elles vouloir nous dire que nous sommes réticents à entrer en relation intime par peur d’être abandonné?
C’est l’une des nombreuses voies dans laquelle un psychologue peut vous accompagner.
Même si nos émotions douloureuses sont des spécialistes du jeu de la cachette, nous finissons toujours par les trouver avec du temps et de l’effort.
Et le jeu peut cesser pour laisser place à autre chose : un soupçon de bienveillance envers soi et une opportunité de croissance!
[1] https://cyberdependance.ca/cyberdependance/
[2] Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
[3] La dopamine est un neurotransmetteur libéré par notre cerveau lors d’expériences associées au plaisir (incluant le sentiment amoureux et la sexualité). Elle joue également un rôle dans les addictions (p.ex. à la drogue) et l’attention.
[4] Yohn, N. L., Bartolomei, M. S., & Blendy, J. A. (2015). Multigenerational and transgenerational inheritance of drug exposure: the effects of alcohol, opiates, cocaine, marijuana, and nicotine. Progress in biophysics and molecular biology, 118(1-2), 21-33.
[5] Boys, A., Marsden, J., & Strang, J. (2001). Understanding reasons for drug use amongst young people: a functional perspective. Health education research, 16(4), 457-469.