Je suis psychologue. Mais je suis aussi une femme qui connaît plusieurs personnes et qui rencontre de nouvelles personnes dans sa vie personnelle. Ça crée toujours un drôle de moment quand je dis ce que je fais dans la vie ! J’écrirai un autre texte là-dessus…
Ceci étant dit, quand les gens me disent qu’ils auraient bien besoin de voir un/une psy, ou qu’ils ont un proche qui en aurait besoin, en sous-entendant plus ou moins directement qu’ils viendraient/l’enverraient me voir moi, je leur réponds avec un ton léger « Maintenant qu’on se connaît dans la vie privée, ce ne sera pas possible. Mais j’en aurais quelques uns à vous référer! [clin d’oeil] ». Et généralement, ça se termine là et on change de sujet.
J’avais donc envie de vous expliquer pourquoi un psy refuse poliment de prendre une connaissance ou une personne de son entourage en psychothérapie.
Lorsqu’on a franchi le seuil de la porte, qu’on a accepté de se montrer dans sa nudité intérieure, dans toute sa vulnérabilité., quand on a fait confiance suffisamment à un autre être humain (appelé ici psychologue), qu’on a pleuré, ri, touché à ce qui fait mal, quand on a aussi entrevu la lumière, qu’on a effleuré ce que serait notre vie quand on va aller mieux.
Quand on fait tout ça, on développe un lien particulier avec cette personne vue chaque semaine pendant un certain laps de temps. Cette personne qui ne dit parfois pas grand-chose, mais qui a souvent le mot juste ou le silence accueillant.
Et parfois, quand on voit un proche souffrir, avoir besoin d’aide. Ben on a envie de partager cette relation privilégiée et aidante.
On a envie que cette personne puisse elle aussi avoir droit à cet espace sécurisant et accueillant pour s’explorer et mieux se comprendre.
Alors on lui dit « Va voir ma psy, elle est vraiment bonne ! »
Et là, moi la psy plate, je réponds que, malheureusement, il ne sera pas possible pour moi de la rencontrer.
Pour plusieurs raisons.
D’abord, il faut savoir que nous les psys, nous avons un p’tit livre avec plusieurs règles à suivre à l’intérieur. Ça s’appelle un Code de déontologie. Ça sert de garde-fous pour éviter de se mettre les pieds dans les plats ou de commettre une faute professionnelle. Et principalement, ça sert à protéger le public en assurant des services de qualité. J’en profite pour préciser que la personne qui obtient des services d’un psychologue devient un client ou un patient.
Dans ce p’tit livre, il y a des mots très importants, comme secret professionnel, conflit d’intérêt, conflit de rôle,…
Expliqués simplement, le secret professionnel, c’est la pierre angulaire de notre travail. C’est notre devoir le plus important. C’est le fait de préserver un espace sécurisant où tout peut être dit et rien ne sera répété. Jamais! Bon, il y a des exceptions exceptionnelles mais retenez ceci : secret professionnel = jamais répété.
Et un conflit d’intérêt c’est quand un psy ne fait pas passer les intérêts de son client en premier, sur les siens ou ceux d’une tierce personne. Par exemple, un psy qui a des problèmes financiers et qui s’organise pour faire durer les séances avec un client qui serait prêt à voler de ses propres ailes. Alors qu’un conflit de rôle, c’est le fait pour un psy, d’occuper auprès d’un même client, deux ou plusieurs rôles qui sont (ou risquent de devenir) un conflit d’intérêt. Par exemple, un psy qui procède à une expertise pour déterminer les compétences parentales d’une cliente qu’il voit depuis plusieurs mois en psychothérapie (rôle d’expert vs. rôle de thérapeute).
Et encore plus important, dans ce code de déontologie, la première chose qui y est dite, c’est de s’assurer de maintenir le lien de confiance avec le client.
Alors, reprenons l’exemple de vous, connaissance ou client/e actuel/le, qui êtes très enthousiaste à me référer une connaissance, un ami, une sœur, un conjoint…
Disons que je reçois cette personne dans mon bureau et que nous débutons une relation thérapeutique. Un jour, elle me mentionne une information qui aurait un impact sur vous et que vous ne savez pas. Et maintenant moi je le sais. Et je suis prise avec cette information. Et je vous vois lors de notre rencontre hebdomadaire. Et je ne peux rien vous dire parce que je briserais ainsi le secret professionnel qui me lie avec la personne que vous m’avez référée. Mais vous auriez intérêt à connaître cette information dans votre processus thérapeutique personnel… Malaise !!!
Ce serait ainsi me placer en conflit de rôle (je suis à la fois votre psy et celle de votre ami, sœur, conjoint) et d’intérêt (à qui est-ce le plus important de révéler ou pas cette information?). Et par-dessus tout, je viendrais d’entacher le lien de confiance avec vous (et possiblement avec votre ami, sœur, conjoint). Parce que si vous appreniez l’information et que vous appreniez que je savais et que je ne vous ai rien dit, vous ne seriez pas très content/e !
Vous pouvez maintenant vous imaginer tous les scénarios possibles et imaginables autour de ces concepts de conflit !
C’est pourquoi les psys refusent les références de personnes connues des clients actuels et passés ou de leur entourage, et qu’ils mettent parfois fin à une relation thérapeutique récente avec des explications vagues. Parce que oui, ça arrive aussi qu’on se rend compte en cours de route que la personne devant nous est liée d’une manière ou d’une autre à un autre client. Et ça aussi c’est très inconfortable pour un psy ! Parce que ça risque de tourner en conflit (de rôle, d’intérêt ou juste en conflit), de mettre à mal le lien de confiance avec l’un ou l’autre des clients impliqués, et parce qu’il faut aussi éviter l’apparence de conflit (d’intérêt et de rôle).
Oui, ça fait beaucoup de gestion de relations à potentiel de conflit. Mais on est habitué et formé à gérer et à éviter de nous retrouver dans de telles situations.
Maintenant, vous connaissez une partie des coulisses du travail de psy ! Et vous y penserez à deux fois avant de dire « Va voir ma psy, elle est tellement bonne! »
___________________________
Centre psychologique de Trois-Rivières, 2018
Tous droits réservés
Psychologues Trois-Rivières